De la diversité en voile légère !
Pour une diversité de l'offre !
Depuis quelques années maintenant la FFvoile s’est engagée dans une politique de promotion de l’intersérie et de valorisation de cette pratique qui est à la base de l’animation dans l’univers du sport en club et dans l’univers du sport de compétition. Si cette politique produit des résultats mesurables là où elle est mise en oeuvre, elle est encore mal comprise par beaucoup qui, ce faisant, entretiennent une vision malthusianiste du développement de la voile. A les écouter, hors de la pratique monotype, hors de politiques sportives de filières basées sur une offre restreinte de « supports » point de salut, notamment dans une perspectives de formation au haut niveau. A les écouter, réduire le nombre de séries et de formes d’animation serait la garantie de rassembler et de mobiliser le plus largement possible. En tenant ce discours ils font plusieurs erreurs grossières et entretiennent un système qui a pourtant montré ses limites.
Premièrement, ils ignorent un principe fondamental pas seulement valable pour le monde du sport : plus l’offre est variée, plus elle est susceptible de toucher un public le plus large possible, où quand Say s’oppose à Malthus. Il n’est pas anodin d’ailleurs de constater que les nations les plus dynamiques en voile sont celles où la diversité de l’offre sportive est la plus forte. Pour prendre un exemple, rien qu’en dériveur, il y a en Angleterre plus de 100 classes de répertoriées dont plus de la moitié sont capables de réunir plus de 30 bateaux sur un national. Nous sommes bien loin de cette situation en France où la logique de restriction de l’offre et la logique de filières donnent une vision monolithique de notre offre et réduisent le nombre de pratiquants possibles car ces derniers ne trouvent pas une offre de pratique qui correspond à leurs envies, à leur gabarit, à leurs moyens, à leur niveau, bref à tous les éléments qui entrent en ligne de compte lorsque l’on souhaite acheter un bateau pour pratiquer la voile de compétition. Pour le dire encore autrement et de manière plus abrupte, un licencié qui ne souhaiterait pas naviguer en Laser parce que ce bateau ne lui convient pas n’est pas moins respectable qu’un licencié qui trouve du plaisir à la régate en Laser. Et l’on voit encore trop souvent des régatiers se faire refuser l’inscription à des régates locales ou régionales parce qu’ils n’ont pas le bon bateau ou plutôt celui considéré comme tel au nom de principes bien flous. Ou comment se tirer une balle dans le pied tout en affirmant avec fierté que la richesse du sport voile c’est sa diversité qui n’existe en fait que dans les discours.
Deuxièmement, ils oublient que leur vision est une vision pyramidale de la structuration et du développement du sport, système qui est à bout de souffle. Ce faisant, ils plaquent sur l’univers du sport en club et sur l’univers du sport de compétition des problématiques et des modes de pensées issus du haut-niveau et qui ne concernent qu’une infime minorité des licenciés. Hors, si la déclinaison à l’échelon du sport en club et du sport de compétition des schémas du sport de haut-niveau suffisait à générer une croissance du nombre des licenciés de la FFvoile, nous n’aurions aucun problème, nos clubs seraient pleins et nous n’aurions aucun pratiquants de voile sportive non licenciés. Que reste-t-il par exemple de l’explosion de la pratique de la planche des années 80 ? Des centaines de personnes qui pratiquent leur passion du windsurf en dehors des clubs faute d’avoir su les accueillir. Il faut arrêter de penser que l’on pratique la voile au niveau local et régional pour les mêmes raisons qu’un sportif de haut-niveau. Les attentes, les objectifs, les moyens ne sont pas les mêmes et notre incapacité à proposer une offre sportive et d’animation qui corresponde aux attentes de 99% de nos licenciés demeure une épine dans le pied du développement de la voile sportive. Tant que l’on ne réfléchira pas à ce que l’on recherche en s’engageant dans la pratique de la voile sportive, à ce qui pousse certains à rejoindre des clubs, tant que l’on continuera à restreindre l’offre et à survaloriser la question du matériel et détriment de la problématique d’animation et de sociabilité, nous limiterons notre possibilité de développement du sport voile.
Accessoirement ce type de raisonnement tend à survaloriser quelques catégories de pratiquants. Non seulement certain voudraient imposer des schémas « haut niveau » à tous les échelons mais ils survalorisent aussi et du coup certains types de populations, les jeunes notamment avec des discours où l’évidence confine à la banalité. Bien évidemment que nous avons besoin de jeunes pour l’avenir de la voile de compétition. C’est une évidence. Cependant lorsque les politiques sportives, sous prétexte de les valoriser en leur faisant miroiter un rêve de haut niveau laissent de côté l’immense majorité des licenciés sans que pour autant cela garantisse le maintien des jeunes dans l’activité une fois sortis des « filières », ne se trompe-t-on pas de priorité ?
Ensuite, ceux qui sont dans cette logique malthusianiste du développement de la voile et s’opposent aux partisans d’une réflexion sur la diversité de l’offre se trompent de combat et sur les intentions de ces derniers :
Ce n’est pas parce que nous sommes favorables à une diversification de l’offre d’animations, de supports, à la promotion de l’intérserie que nous sommes contre la monotypie. Nous sommes contre la prétention des malthusianistes à penser que seule la monotypie répond aux attentes de l’immense majorité des pratiquants de voile. L’intersérie n’est qu’un outil, un moyen, une forme d’animation susceptible de rassembler le plus largement possible quand la monotypie tend à cloisonner, à restreindre, à exclure et à survaloriser la question du matériel au détriment de la question de l’animation. La promotion de la régate intersérie n’est ni plus ni moins qu’une forme d’animation compétitive pour permettre à chacun quelque soit son bateau de se confronter aux autres, ce qui est l’essence même du jeu de la régate. Et si la pratique intersérie n’empêche pas la régate monotype, l’inverse est plutôt rare, illustrant par la même leur complexe de supériorité et leur représentation hiérarchisée de la pratique de la voile de compétition et de club.
Enfin, n’étant pas à une contradiction près, les malthusianistes sont généralement aussi les grands pourfendeurs du concept de flotte collective qui repose pourtant en grande partie sur la monotypie, preuve encore une fois que c’est moins la monotypie parée de toutes les vertus morales qu’ils défendent qu’une vision restreinte du développement de la voile. Pire encore ces malthusianistes sont capables d’aller plus loin encore dans la contradiction. Leur nouveau cheval de bataille, c’est le haut-niveau globalisé, la transversalité dans le monde du haut niveau, le passage d’une série à l’autre ou du moins la multiplication des expériences dans divers domaines de la voile de haut niveau. Mais comment faire pour que cela ne reste pas que du discours quand tout le reste repose sur cette vision malthusianiste du développement du sport et une politique restrictive de filière et de cloisonnement ?
Les débats qui agitent le monde de la voile sur la question de son développement ne doivent donc en aucun cas se réduire à un débat stérile et réducteur, monotypie versus intersérie. Ce n’est qu’un aspect d’une opposition entre ceux qui sont partisans d’une approche malthusienne quand les autres sont favorables à la diversification de l’offre. Et ceux qui se présentent comme les modernes ne le sont pas tant que cela.
Cédric Fraboulet