De la force et des faiblesses du réseau EFV
L'EFV et le sportif, deux mondes trop opposés ?
Disons le clairement, si la FFvoile peut encore être considérée comme une grande fédération sportive en France, c’est en partie grâce à son réseau des « Ecoles Françaises des Voile ». Construit et structuré depuis près de 30 ans, le réseau EFV a permis à la pratique du voile d’exister au delà du stricte champ de la pratique sportive et compétitive et de toucher un public beaucoup plus large en faisant entrer la voile dans le champ des pratiques touristiques. Le réseau EFV est donc un magnifique outil de promotion de la voile au même titre que peuvent l’être les grandes courses océaniques et les exploits des skippeurs auprès du grand public. Les 190 000 licences enseignement vendues représentent plus de 45 000 équivalents licences sportives annuelles soit la moitié des titres assimilés à la pratique compétitive. Mieux encore, le stage de voile EFV s’est profondément ancré dans l’imaginaire collectif des Français et fait assurément partie des activités à pratiquer lors des vacances estivales. Le stage de voile peut donc être considéré comme un mythe moderne (au sens de Barthes) de la civilisation des loisirs.
Cependant, si la FFvoile peut s’enorgueillir à travers son réseau EFV de toucher un public beaucoup plus large que sa sphère « naturelle » de recrutement, il n’en demeure pas moins que les transferts de cette pratique touristique et donc saisonnière de la voile vers une pratique sportive et annuelle sont très faiblement opérants alors même que c’était l’un des éléments mis en avant à la création de ce réseau présenté à l’époque comme un outil de recrutement pour les pratiques sportives et compétitives. Plus inquiétant encore, le réseau EFV s’est, d’une certaine manière, totalement autonomisé du reste des activités de la FFvoile au point de n’être plus un outil ou une passerelle mais une fin en soi. Là où l’activité EFV devait non seulement permettre d’alimenter les clubs en sportifs et de dégager une autonomie et des moyens financiers pour le développement sportif des clubs, le réseau EFV existe maintenant pour lui même et accapare la majorité des moyens humains et matériels pour le développement de l’activité touristique, dans ce qui peut parfois ressembler à une fuite en avant de recherche de rentabilité et où d’équilibre au détriment de toute dimension de transmission des valeurs du sport en général et de la voile en particulier et d’adhésion d’un public à ces valeurs afin de le faire poursuivre dans une activité sportive vélique.
Ce mouvement d’autonomisation de la sphère touristique de la pratique de la voile a été de paire avec un vaste mouvement de formation et de professionnalisation des éducateurs qui ont du coup malheureusement perdu une grande part de leur culture sportive et ce, d’autant plus que dans le même mouvement, les contenus des stages EFV (ce que l’on demandait aux éducateurs d’enseigner) perdait toute dimension sportive et de découverte du jeu de la régate. En effet, ce que l’on apprend aujourd’hui dans un stage de voile du réseau EFV a fait l’objet d’un très gros travail il y a une dizaine d’année. Le contenu de l’enseignement délivré dans le réseau EFV est cadré, homogénéisé, normé et hiérarchisé. Il définit les objectifs et les moyens pour permettre à un stagiaire de parvenir à l’autonomie dans sa pratique de la voile mais il n’est quasiment fait aucune référence à la dimension sportive et compétitive. Les compétences techniques et l’acquisition de l’autonomie pour un stagiaire débouche sur un « permis de naviguer » comme on passe un permis de conduire mais très rarement sur une initiation au jeu de la compétition en voile, à la performance. Cela est laissé aux «écoles de sport » ou autres « clubs compétition » sans que ces derniers n’aient accès au public touristique à qui l’on transmet de fait l’idée que la voile ne serait au mieux qu’une activité estivale de loisir et en aucun cas un sport avec des compétitions et du jeu et qui peut se pratiquer toute l’année dans des clubs près de son lieu de résidence principale.
Le cloisonnement strict entre l’activité touristique centrée sur le réseau EFV et les activités compétitives sont donc un frein au développement de notre sport. A l’heure où le mot de « transversalité » est mis à toute les sauces sans que cela ne débouche sur quoi que ce soit de concret, il serait grand temps de prendre des initiatives pour remettre du lien entre la pratique touristique de la voile et les pratiques compétitives.
- Cela passe d’abord par la réaffirmation que pour tout autonome qu’elle soit ou qu’elle se veuille, l’une des finalités du réseau EFV est de permettre au club de toucher un public qui pourrait être intéressé par une pratique compétitive annuelle.
- Cela passe ensuite par la mise en place d’outils qui permettent de faire le lien et la passerelle entre la clientèle du réseau EFV et les clubs près des lieux de résidence de la clientèle estivale du réseau EFV. Cela passe notamment par l’exploitation des bases de données des licences enseignements.
- Enfin, cela passe par une adaptation des contenus d’enseignement dans les EFV et l’introduction d’une initiation ou d’une découverte au jeu de la régate visant à montrer et démontrer que la voile n’est pas seulement un moyen de transport (le plus compliqué qui soit d’ailleurs) ou un simple loisir estival mais un sport avec la dimension de compétition inhérente à celui-ci. Tous ceux qui comme moi ont appris la voile dans les stage EFV d’été dans les années 80 se souviendront que le stage se terminait toujours par une petite régate, très simple et que l’apprentissage technique de l’autonomie était indissociable de l’apprentissage de la performance. Et c’est sans doute pour cette raison que je pratique encore la voile aujourd’hui même il s’en est fallu de peu pour que ce sport ne reste pour moi qu’une activité estivale de vacances et que je ne passe à côté des valeurs que ce sport génère dans sa dimension compétitive.
Cédric Fraboulet