Breizhskiff 2002-2011, pour une histoire raisonnée
To be continued !
Cet article fait le point sur l’histoire de Breizhskiff entre 2002 et la fin 2010. Pourquoi pas jusqu’à aujourd’hui ? Ca viendra !
Breizhskiff.com est à l’origine une démarche personnelle et totalement bénévole de deux passionnés de skiff mais aussi et surtout ce qui se voulait et se veut toujours être une réponse à la difficulté du développement de ce type de bateau en France. Le développement à travers notamment l’outil internet de breizhskiff était d’abord une réponse à une situation issue des années 90 :
Une pratique skiff qui peinait à se structurer
Dans les années 90, les skiffs grands publics, monotypes et développés par de grands chantiers apparaissent sur le marché. La concurrence est forte entre les marques et les premiers pratiquants sont souvent issus de classes bien structurées. Ce faisant, ils ont tendance à structurer l’embryon des skiffs régatant sur la base de la culture de classe dont ils sont issus (naissance de l’AFISO, de France Laser 4000 et 5000, de la classe B14 etc.). Au départ face à cette émergence quelques clubs (Carnac en premier lieu) mettent en place des événements intersérie pour regrouper tous les « nouveaux dériveurs » puisqu’ils sont appelés ainsi. Néanmoins, indirectement soutenue par les importateurs et les chantiers, mais aussi par des divergences entre les pratiquants (les Buzz, ISO, plus axé « loisir », les Laseristes 4000 et 5000 plus régate) on assiste rapidement à la fin des événements interséries skiff. La dernière édition de l’Eurosail à Carnac a lieu en 1998. Parallèlement, les chantiers qui soutenaient en France des événements européens monotypes pour les skiffs (eurocup 4000, eurocup ISO, Eurocup B14 etc) voyant que le marché ne décolle pas, préfèrent soutenir des événements internationaux là où le marché prend : ainsi l’Eurocup 4000 part durablement en Italie et il faudra attendre 2005 pour que les administrateurs de breizhskiff parviennent à la faire revenir en France.
Tout au plus peut-on signaler quelques événements de prestige pour les skiffs avec la venue depuis 1999 des 18 Pieds Australiens à Carnac.
Sur le plan du haut niveau, l’accession du 49er au statut olympique pour les JO de 2000 et l’arrivée du 29er met l’accent à l’international sur le potentiel pour le développement de la voile de ces bateaux.
En Europe la pratique skiff parvient à se structurer à peu près dans d’autres pays que l’Angleterre.
A la fin des années 90 et au début des années 2000, il n’existe donc pour ainsi dire plus aucune activité skiff alors même que les bateaux existent encore… La régate de Quiberon, la fameuse Teignouse cup qui se lance au début des années 2000 rassemble à peine 10 bateaux pour sa première édition.
Des skiffs victimes de l’image véhiculée
Si la structuration de la pratique du skiff rencontre de vraies difficultés, elle est aussi victime de la perception que les pratiquants voile légère peuvent avoir de ces bateaux appelés à l’époque « nouveaux dériveurs ». Nouveaux pour longtemps ? La presse particulièrement, mais aussi les pratiquants de séries plus traditionnelles, les institutions de la voile légère véhiculent une image déplorable de ces bateaux : trop instables, réservés à une élite, à des funambules, inutilisables dans le cadre de l’école de voile, trop chers, pas assez développés etc. De rares clubs à l’époque investissent dans des skiffs notamment Carnac, La Baule, Doussard, plus quelques autres dans le sud ainsi que quelques structures comme l’UCPA puis les Glénans plus tard. Les trois premières disposent de Buzz, le troisième de 14 OD. Ils abandonneront vite pour certains. Bizarrement, alors même que tous les bateaux assimilés à des skiffs sont d’une grande diversité en termes d’exigences techniques et ou physiques, ils sont tous « rentrés » dans une case « extrême » par l’opinion. Dans les clubs les moniteurs n’aiment pas utiliser ces bateaux avec lesquels les stagiaires passent à l’eau. Cette image élitiste des skiffs se révèle très bien dans l’analyse sémantique des numéros « spécial salon » des grands magazines de voile. Le numéro spécial salon 2010 de Voiles et Voiliers est malheureusement encore en plein dans la dérive.
Tout comme l’absence de structuration sportive de la pratique skiff avait gêné son développement, l’image élitiste de ces bateaux conduit petit à petit à leur disparition du catalogue des revendeurs, à tout effort de promotion de leur part. Ainsi, au début des années 2000, les skiffs ne sont plus présentés sur le salon nautique à de rares exceptions près. Les bateaux ne se vendant plus ou pas suffisamment pour que leurs constructeurs respectifs investissent dans de la promotion. Ainsi, même pour un pratiquant, non régatier, il vaut mieux à cette époque aller faire du dériveur traditionnel… Dériveur traditionnel, dont la pratique est alors pourtant plutôt en déclin par rapport aux années 70 et marqué par un conservatisme fort de la part des structures (les associations de classe) qui sont censées assurer son développement. Elles ont de plus et aussi tendance à s’opposer les unes aux autres. Qui plus est, dès cette époque commencent à se faire jour des problématiques de structuration de la pratique voile dans son ensemble qui est marquée par une baisse du nombre de pratiquants, par l’émergence des problématiques de déplacement et de coût. Sans parler de l’émergence à cette époque des nouveaux moyens de communication qui jetaient les bases d’une réorganisation de la manière de parler et de faire parler de la voile.
C’est dans ce contexte et cette situation que breizhskiff.com est né en mars 2002 et qu’il s’est développé et structuré.
Breizhskiff comme réponse
La base line de breizhskiff.com traduit la volonté de changer l’image et la perception des skiffs en France. « Le skiff c’est pas sorcier ». Le projet breizhskiff ou le skiff c’est pas sorcier en référence au projet blair witch entend donc lutter contre les idées reçues sur ces bateaux, quitte à rentrer en opposition frontale avec certaines institutions, avec certaines classes, avec certaines pratiques et quitte à produire un discours d’opposition parfois très militant donc excessif.
L’objectif est de mobiliser les rares pratiquants de skiff, d’en fédérer de nouveaux à travers l’outil internet qui révolutionne alors la communication.
Opposition au discours de la presse et de certains pratiquants, cadre, dirigeants de clubs, entraineurs etc etc :
- Non les skiffs qu’on n’appellera plus « nouveaux dériveurs » ne sont pas plus difficiles techniquement que d’autres bateaux.
- Non tous les skiffs ne sont pas réservés à une élite ou des funambules.
- Non les bateaux ne sont pas chers ou pas plus chers que d’autres dériveurs. Un accent fort est mis sur le fait d’aller chercher des bateaux en GB. Chaque hiver des dizaines de bateaux sont ramenés à des prix défiant toute concurrence.
- Oui ces bateaux sont de formidables engins de régate, tout aussi tactiques que des dériveurs traditionnels
- Oui ces bateaux peuvent se démocratiser.
- Encouragement également à la construction amateur avec le développement d’une flotte Cherub.
Ce discours conduit parfois à des prises de position et des échanges assez houleux avec certaines classes, notamment les 505, ou avec certains clubs et entraineurs.
Le discours est à l’époque en opposition avec la politique fédérale qui n’inscrit pas le 29er dans le cadre de ses filières dont nous pensons que si elles ont été un formidable moyen de développement à une époque entretiennent au début des années 2000 un système sclérosé avec ses parcours imposés, de l’Opti jusqu’au 470 ou au Laser, laissant de côté les envies des jeunes, l’évolution de leurs comportements et de leur attentes, la volonté de naviguer sur des bateaux plus en phase avec l’esprit et les valeurs du temps.
Certains d’entre-nous s’engageaient dans les clubs pour essayer de faire passer les messages et d’œuvrer au développement de nos bateaux.
Ce discours militant trouve un écho sur le site web qui se développe fortement notamment à travers ses forums. La ligne éditoriale est clairement de s’inscrire dans la nature communautaire du web ; l’objectif est de fédérer une communauté autour d’un dénominateur commun (le skiff) mais de l’élargir à la voile en général, mais aussi de ne pas écarter les sujets (culture politique etc) dont on pourrait penser qu’ils n’ont rien à faire sur un site voile légère ou skiff. Le positionnement est clairement de dire que la pratique d’un sport d’une activité s’inscrit dans une démarche de recherche de lien social et que derrière le dénominateur commun (le skiff ici) il y a une vie professionnelle sociale, culturelle, personnelle qui peut être prise en compte dans le cadre d’un forum qui, à l’époque de l’explosion d’internet, est le lieu ou se construit la communauté, des pratiquants de skiff en l’occurrence avec breizhskiff.
En cela breizhskiff.com n’est clairement pas inscrit dans le cadre des structures associatives qui traditionnellement fédéraient la pratique voile et ou sportive. L’avènement de la société web et les bouleversements dans la manière d’échanger et de communiquer rendaient obsolète le cadre associatif pour la structuration de l’activité sportive, son mode de gouvernance et les réponses que le cadre associatif pouvait y apporter. Plus encore dans le cadre de la structuration et de la volonté de fédérer des pratiquants skiffs dont beaucoup ne venaient pas de la voile légère traditionnelle. Ajouter à cela enfin que breizhskiff entendait fédérer tous les pratiquants de skiff et pas seulement les pratiquants de tel ou tel type de skiff, et qu’il fallait donc avoir une approche transversale que les associations de classe ne pouvaient pas par nature avoir, puisque centrées uniquement sur un type de bateau souvent en concurrence avec d’autres.
Cela explique aussi pourquoi sur les forums breizhskiff, les débats entre les membres sur des problématiques de développement, de structuration de la pratique étaient volontairement publics et non limités à un petit groupe, ou au bureau d’une association. Cette vision s’inscrit pleinement dans la logique web mais aussi dans le fait que celle-ci génère des stratégies de communication où cacher des divergences, des opinions, des conflits, produit des conséquences plus graves que les vices de l’absolue transparence.
Volonté de fédérer, de promouvoir, de rassembler les passionnés de skiff et de voile via l’internet, volonté de casser les idées reçues circulant sur ces bateaux même en s’opposant frontalement et parfois violemment à certaines institutions, breizhskiff.com inscrit aussi et dès le départ sa volonté de structurer la pratique de compétition.
Breizhskiff.com une volonté de développer et de structurer une pratique compétitive du skiff
Au tout début de breizhskiff.com, au-delà de toutes les idées reçues circulant sur les skiffs, certains pratiquants de dériveurs, passionnés de régate nous opposaient le fait qu’il était impossible de régater : il n’y avait pas ou peu de régates skiffs encore moins de régate monotype. Ainsi des gens intéressés par ce type de dériveur et ce qu’ils apportent ne franchissaient pas le cap faute de trouver une activité sportive et de compétition.
Il était donc évident dès lors que pour capter ce public, il nous fallait structurer un calendrier de régates, proposer un trophée, un circuit d’événements qui ne soit pas forcément une copie de ce qui se faisait autre part et qui tiennent compte des spécificités et de la sociologie des personnes qui commençaient à rejoindre le projet breizhskiff. Souvent jeunes, entrant dans la vie active, la pratique de la voile de compétition dans le cadre d’un trophée ou d’un circuit de régates devaient prendre en compte le fait que chacun avait une vie professionnelle, familiale souvent contraignante et que la participation à ce trophée s’inscrivait plus dans une recherche de sociabilité que de compétitions pures et dures. Qui plus est, si l’on regarde l’histoire de la voile légère depuis les années 70, elle n’a jamais été aussi dynamique que lorsque la pratique de compétition était davantage tournée vers ce public loisir sportif plus que vers les compétiteurs purs et durs et acharnés. Plus la gestion sportive d’une pratique devient élitiste axée vers la seule compétition au détriment de la convivialité et de la sociabilité, plus le volume global de pratiquants se réduit, se replie sur lui pour n’être plus qu’un noyau, souvent incapable d’évoluer…
Ce circuit de régate était également tout simplement le prolongement dans le réel de la vie d’une communauté qui s’était construite dans le virtuel.
La mise en place d’un circuit de régates était donc une absolue nécessité pour le développement de la pratique skiff en France. Une idée force : il serait dangereux d’opposer une pratique compétitive et une pratique axée vers le développement. Ces deux éléments sont indissociables, ils doivent être pensés comme tels ! Les compétiteurs purs et durs ne peuvent se dispenser des efforts de développement de la communauté des pratiquants skiffs dans son ensemble tout comme il est indispensables que ceux pour qui la compétition est accessoire s’inscrivent aussi dans cette démarche de structuration de la pratique compétitive.
La mise en place du trophée breizhskiff.com reposait enfin sur la volonté de ne pas produire un circuit de régates reposant sur les principes déjà à l’œuvre dans la structuration sportive de la voile légère. Etaient notamment rejetés :
- Le morcellement de la pratique de compétition voile légère : les jeunes, les adultes, les types de séries etc. etc.
- Le manque de convivialité des circuits de régates de dériveurs traditionnels, du fait même que les associations de classe les gérant s’étaient regroupées autour d’un noyau dur de pratiquants qu’il fallait satisfaire plutôt que de penser le développement.
Les principes du trophée breizhskiff, un outil au service du développement de la pratique skiff
- La mise en place d’un trophée basé sur un circuit de régates avait pour vocation à donner de la lisibilité à la pratique du skiff en France tout en créant un cadre et une structuration à la pratique de compétition de ce type de bateau et en prenant en compte autant que faire se peut l’état du développement de l’époque.
- Il y avait la volonté d’assurer un développement harmonieux, régulier et pérenne de la pratique du skiff, en coordination et en collaboration, mais en totale indépendance, avec tous les acteurs de la pratique du skiff en France (Institutions, clubs, associations de classe, constructeurs etc.).
- Le Trophée breizhskiff.com avait pour objectif de rassembler lors de plusieurs événements annuels le maximum de skiffs dans le cadre de régates conviviales où la bonne humeur et la sportivité dominent et où tous les types de pratique (loisir, compétition…) sont représentés.
- La convivialité devait être au coeur des préoccupations de tous ceux qui participent à l’organisation de ce circuit.
- L’organisation de ce circuit devait reposer sur la prise en compte de l’état du développement de la pratique, sur la localisation géographique des adeptes du skiff et sur les contraintes, notamment professionnelles, liées au profil sociologique de ceux qui font la pratique du skiff en France.
- L’organisation de ce Trophée devait s’inscrire dans une logique de décloisonnement et dans une logique de recrutement de nouveaux adeptes à la pratique du skiff. Les jeunes des écoles de sport, les régatiers dans d’autres pratiques, les amateurs de voile en général étaient des sources de croissance à prendre en compte.
- La réussite de ce circuit de régates reposait sur la mobilisation et l’implication de chacun, et sa volonté de contribuer au développement de nos bateaux en France. La volonté de chacun de s’investir dans le développement du circuit quitte à faire des kilomètres.
Concrètement
- Le Trophée Breizhskiff se voulait comme un circuit de régates ouvert aux skiffs qui régateraient en interséries.
- La définition du nombre et du lieu des différentes étapes du circuit devait prendre en compte le développement de l’époque des skiffs. Il devait donc privilégier la qualité des régates à la quantité et favoriser ainsi la plus forte participation possible à chaque régate comptant pour le Trophée. Il s’agissait ainsi de prendre en compte le fait que la tendance globale est le développement de la régate de proximité au détriment des régates d’envergure nationale.
- C’est un circuit devant permettre à chacun de participer à un maximum de régates dans un rayon plus ou moins limité.
- Certaines épreuves du trophée visaient aussi à favoriser la participation des skiffeurs transfrontaliers (bénélux, Allemagne, Suisse, Italie et Espagne). Un souvenir du trophée des Alpes de la fin des années 90 et du début des années 2000. Cela aussi afin de prendre en compte des skiffeurs français mais excentrés qui auraient pu trouver des possibilités de régater à proximité sans faire trop de kilomètres.
- Les régates devaient avoir lieu si possible dans des lieux agréables et présentant un intérêt touristique, culturel etc. permettant de favoriser la venue des conjoints et d’accompagnateurs non naviguant.
- Le nombre de régates du Trophée devait être de l’ordre d’une par mois entre le week-end de Pâques et le mois de novembre à l’exception des mois de juillet et août consacrés aux vacances et aux épreuves internationales monotypes généralement organisées à cette période.
- Le nombre de régates devait prendre en compte la localisation géographique des coureurs afin d’optimiser la participation à chaque événement et de maximiser les chances de chacun des participants au Trophée.
- L’écart temporel entre chaque régate devait être suffisamment important pour favoriser la participation d’un maximum de coureurs.
- Le mode de classement devait favoriser la participation (pas de coefficient sur les régates, points de participation etc).
2003-2010, 8 éditions du trophée
Sur la base de ces principes, le trophée breizhskiff s’est sérieusement développé tout au long des années. De 20 bateaux ayant fait au moins une épreuve en 2003, on est passé à près de 120 bateaux classés en 2010. Cela représente plus de 200 coureurs. Peu à peu, le niveau moyen a augmenté du fait même de l’existence de ce trophée comme vecteur de structuration. Il a fini par attirer quelques têtes d’affiches de séries de dériveurs traditionnels.
Au fur et à mesure, si la progression de la participation au trophée n’augmente plus dans les proportions exponentielles du début, la moyenne de participation aux différentes régates du trophée a augmenté : signe d’une fidélisation de personnes qui se retrouvent dans cet état d’esprit.
Les faits marquants sont l’augmentation du nombre de régates : développement d’une zone sud qui finira par avoir le même nombre d’épreuves que la zone nord.
Mise en place dès lors du concept actuel de deux régates de » rassemblement », Der et Aquitaine et de 4 épreuves par zone géographique. Les régates dites de « rassemblement » ne sont pas obligatoires pour ne pas pénaliser les skiffeurs en marge des grandes zones géographiques définies. Ainsi, sur les 4 épreuves de zone et sur les 2 épreuves de rassemblement seuls les 5 meilleurs résultats sont pris en compte de ne manière à ne pénaliser personne.
Objectivement, l’élargissement du périmètre et à la vocation nationale de breizhskiff ne sait pas fait tout le temps dans la facilité.
Comme toujours avec les classements, derrière un discours détaché, beaucoup les regarde…
On notera également que des jeunes coureurs 29er issus des filières fédérales sont venus à plusieurs reprises sur le trophée breizhskiff (Quiberon, Piriac, Hourtin etc).
Ce trophée a été une des bases d’expérimentation pour l’évolution des ratings. Les ratings utilisés sur les régates du trophée Breizhskiff issus des ratings anglais ont fini par converger vers les ratings FFvoile. Ce long débat sur les ratings, parfois violent était également nécessaire pour arriver à un minimum de légitimité sportive dans la mesure où le trophée repose sur l’intersérie.
L’existence de ce trophée n’a pas posé de problème avec la participation aux régates monotype de certaines séries skiffs.
L’introduction de départ séparé pour certaines séries dans le cadre du trophée breizhskiff (RS 700 à Carnac et Quiberon, B14 à Carnac) a eu un résultat plutôt mitigé et n’est sans doute pas à refaire ou alors dans un cadre bien défini.
Si au départ les lieux de régate changeaient assez souvent avec des incontournables et en fonction de la mobilisation de skiffeurs locaux, les lieux tendent aujourd’hui à se figer. Les clubs sont généralement ravis de nous accueillir et souhaitent clairement nous revoir louant notre état d’esprit. Cela est fortement positif mais cela rend difficile le roulement qui pourrait offrir d’autres opportunités et de se rapprocher d’autres publics.
Incontestablement la mise en place de ce trophée sur la base de principes à l’époque partagés par la majorité des skiffeurs a été un des éléments moteurs du développement des skiffs au même titre que le rôle joué par breizhskiff.com en termes de lutte contre les idées reçues qui circulaient sur ces bateaux. Il a aussi permis à certains de s’investir à l’échelon de leur club.
Dans le même temps, il convient de rappeler que tout cela n’aurait pas été possible si la majorité des skiffeurs n’avaient pas joué le jeu et si le mouvement n’avait pas été relayé par les clubs bien évidemment mais aussi par des politiques fédérales et de grosses structures d’enseignement :
La politique fédérale
Il est de bon ton dans le milieu de la voile et dans le milieu de la voile légère en particulier de critiquer la politique fédérale et d’en faire un obstacle au développement de la pratique : aucun club, aucune association, aucun coureur ne s’est privé pour des raisons souvent liées à des intérêts particuliers de remettre en cause l’institution délégataire de l’organisation de la pratique de la voile en France. Les skiffeurs n’ont pas échappé à la règle mais en se focalisant sur le fait que la reconnaissance officielle de la pratique skiff a été très tardive : la reconnaissance du 29er ne date que de 2007 et a été un vrai combat au sein même de l’organisation.
L’opposition des skiffs et donc de Breizhskiff à la politique fédérale était uniquement centrée sur ce problème et cette position qui nous semblait indéfendable dans la mesure où le 49er puis le 29er avait obtenu une reconnaissance internationale et dans de nombreux pays sauf en France. Cette position ne nous semblait pas aller dans le sens de la modernité d’autant plus que la voile légère connaissait une baisse de la pratique qui a défaut d’être inquiétante n’en n’était pas moins significative et aurait pu avoir des conséquences à long terme.
L’analyse de la politique fédérale montre bien un infléchissement et un changement de perspective autour de 2006-2007. Reconnaissance du 29er mais aussi et surtout une réflexion sur le développement de la pratique, la volonté de favoriser la pratique conviviale et locale, de mettre en avant l’intersérie. Certains jugeront que cette politique trouve ses racines dans la voile des années 60-70 et il y a clairement de cela. Mais c’était une époque où la voile légère française était extrêmement développée, où elle était non seulement un sport mais aussi un mode de vie.
Concrètement, cette politique s’est déclinée et mise en application sur le terrain dans le temps avec :
- Le développement de pôle d’entrainement 29er.
- La relance et la valorisation de la régate de proximité.
- La mise en place de régate interséries dans les ligues et dans leur règlement sportif.
- La mise en place de nouvelles tables de ratings.
- La mise en place d’un classement national interséries dériveur comptant pour le classement des clubs et permettant de donner une existence et une visibilité à cette pratique interséries.
- L’ouverture du championnat de France Voile légère à un titre interséries.
Toute cette politique fédérale a clairement montré des résultats probants et évidents : la FFvoile regagne des licenciés et le développement de la pratique locale repart à la hausse. Sans cette pratique locale, voire ultra locale, la voile ne se développera pas. Ce faisant en mettant l’accent sur le local, la Fédération démontre sa capacité à prendre en compte et à s’inscrire dans des problématiques plus larges notamment celle du développement durable.
Contrairement à ce que beaucoup pensait l’infléchissement de cette politique au départ très axée haut niveau et de plus en plus tournée vers la pratique locale a eu des effets bénéfiques sur le haut niveau. La France n’a jamais eu autant de bons résultats. Le skiff est particulièrement à l’honneur avec les titres de champion du monde et de champions du monde ISAF jeunes d’équipages de La Baule. Véritable pieds de nez à ceux qui pensent que pour « sortir des champions » seul le nombre, seule la confrontation internationale régulière est nécessaire. Au rang des anecdotes ô combien symbolique, à noter que le pôle de La Baule accepte qu’un équipage de skiff s’entraine avec eux avec à la clef des progrès considérables pour eux et un pas de plus vers cette logique de décloisonnement.
Le rôle des Glénans
Tout comme la fédération, il est souvent de bon ton de critiquer les Glénans et leur culture de l’enseignement de la voile. Les représentations héritées d’un autre âge sur le côté « babacool » de cette vénérable institution ont clairement la vie dure. Pour autant, quand toutes les écoles de voile arrêtaient de proposer des skiffs dans le cadre de stage, les Glénans persévéraient avec le 29er et d’autres dériveurs à spi asymétrique. Les résultats ont plutôt été excellents pour eux et ont été une véritable aide pour le développement de la pratique du skiff. Et on voit aujourd’hui de nombreuses écoles de voile proposer à nouveaux des dériveurs d’inspiration skiff dans les stages. Le constat que le stage technique sur des supports plus exigeants pouvait rencontrer un réel public et être une vraie source de rentabilité pour les clubs.
Enfin, le développement des skiffs a bénéficié indéniablement d’une évidence : ces dériveurs incarnent la modernité aux yeux des jeunes générations… En attendant que tout le monde soit sur des foils ? Et il est clair aujourd’hui que si des jeunes avaient le choix, c’est plutôt en 29er qu’en 420 qu’ils iraient régater. Et si Breizhskiff n’avait pas existé, si la Fédération n’avait pas infléchi sa politique, si des structures comme les Glénans n’avaient pas été moteurs, nul ne doute qu’avec le temps, les skiffs auraient fini par décoller. Ce n’est pas pour autant qu’il ne fallait pas essayer d’agir chacun à son niveau.
A la lecture de cette histoire de Breizhskiff, certains, à raison sans doute, diront que nous nous voyons un peu plus beau ce que ce que nous sommes et que nous surestimons l’impact que nous avons pu avoir dans le tout petit monde de la voile légère française. Sans doute. Mais personne ne pourra nous reprocher d’avoir développé une approche originale du développement de la pratique de la voile légère, d’avoir imposé dans les débats certaines idées qui ont été reprises par les institutions dans leur politique. Personne ne pourra nier que nous avons été parmi les premiers à avoir utilisé l’internet pour assoir le développement du skiff et la diffusion de notre vision de la voile.
Personne enfin ne pourra nier que Breizhskiff est aujourd’hui une communauté au sein de laquelle se sont rencontrés des gens qui ne se seraient pas rencontrés autrement. Oui d’une certaine manière, nous sommes assez fiers de ce que nous avons fait mais ce n’est pas pour autant que nous souhaitons nous arrêter.
Le monde de la voile légère n’échappe pas au grandes mutations sociologiques qui traversent nos sociétés : la voile, comme le sport, comme les loisirs, évolue à la vitesse d’un 18 Pieds Australiens. La voile n’est pas une ile déserte dans un monde qui bouge. Rien n’est donc acquis et c’est pour cela qu’il importe parfois de se retourner sur son histoire, pour mieux comprendre le moment présent et les enjeux du monde futur. C’est ce que nous essayons de faire modestement.